L’Agneau que donc je suis: devenir disciple en Jean comme devenir animal et plante

Sébastien Doane, titulaire de notre chaire en exégèse biblique présentera une communication au congrès annuel au congrès conjoint 2022 de la Société canadienne de théologie et de l’Association catholique d’études bibliques au Canada qui aura lieu en ligne les 24-27 mai prochain. 

Le thème de ce congrès est le suivant : 

Au temps de la crise écologique. Approches exégétiques et théologiques. 

Informations et inscriptions 

Résumé de la présentation:

L’animal que donc je suis de Jacques Derrida a stimulé un virage interdisciplinaire important dans l’étude des animaux en exégèse (Stone 2018; Strommen 2018). Le regard d’une petite chatte sur le corps nu du philosophe est à l’origine d’une remise en question de la séparation cartésienne entre l’animal et l’humain, la nature et la culture, le corps et l’esprit. Dans leur première rencontre avec Jésus, les disciples de Jean sont invités à contempler la divinanimalité de Jésus : « Fixant son regard sur Jésus qui marchait, il dit : voici l’agneau de Dieu. » (Jn 1,36; aussi 1,29) Les premiers disciples de cet agneau entrent dans un mouvement analogue à Derrida. Le titre de la conférence du philosophe porte un aspect ontologique en rapport avec celui de Descarte, mais il est aussi à comprendre comme le verbe suivre (p. 93-94). Quel animal suis-je? Quel est l’animal que je suis? Lire Jean peut transformer les corps des disciples qui regardent l’agneau en suivant cette figure à quatre pattes pour devenir les brebis bon berger (10,2-16; 21,15-17).

Moore (2017) présente Jésus en Jean comme un animal nonhumain (agneau 1,36; 1,29; 3,14), un végétal (Je suis la vigne 15,1.5), un produit végétal modifié (je suis le pain 6,35; 6,41.48.51, je suis la porte 10,7.9) de la radiation électromagnétique (je suis la lumière 8,12; 9,5). Par son attention à la matérialité ontologique de ce qui est habituellement interprété comme des métaphores, Moore développe une christologie animal/végétal/inorganique novatrice. Ma présentation poursuit cette réflexion en décrivant le devenir-disciple en Jean pour expliciter les considérations écologiques qui en découlent.

Suivre l’agneau mène les lecteurs.trices à boire Jésus, l’eau (7,37) pour que de leur corps coulent des fleuves d’eau vive (7,38). Le corps de Jésus est le pain de vie; quiconque vient à lui n’aura plus faim ou soif (6,35). Jésus est la nourriture de ses disciples. Son corps brisé et son sang versé affectent les autres corps des personnes qui deviennent ce qu’ils mangent. Jésus et ses disciples sont aussi des végétaux. Comme branche, les disciples portent du fruit et demeurent sur Jésus la vigne (15,4). En mangeant Jésus végétal transformé (pain 6,5), en consommant sa viande et son sang animal, les disciples demeurent en lui et lui en eux (6,56).

Le Jésus animal/plante/objet de Jean reconfigure ses lecteurs.trices en révélant que nous sommes toujours déjà plus qu’humain. Suivre le logos devenu sarx mène à une hybridité corporelle anti-anthropocentrique des disciples. Cette interprétation hyperlitérale déstabilise la hiérarchie animale (Chen 2012). Lire Jean permet un contact renouvelé avec l’environnement qui n’est pas un endroit où l’on vie, mais ce qui forme notre identité corporelle. La pensée cartésienne a érigé des frontières entre l’humanité, l’animalité et le divin qui semblent naturelles, mais portant, elles sont des constructions sociales fluides. Traverser ses frontières par la lecture d’un texte ancien aide à développer une réponse créative à notre crise écologique par la prise de conscience d’une connexion spirituelle avec ce qui nous entoure et qui nous forme.

Agneau
Date
Heure
11h15-1h45
Lieu
Rencontre virtuelle