La violence des interprétations exégétiques de Mt (ACFEB)

Dans le cadre du congrès de l'ACFEB Quand la Bible parle avec violence à l'Université de Lorraine à Metz, Sébastien Doane, délégué de l'ACÉBAC présentera une conférence intitulée: "La violence des interprétations exégétiques de Mt".

Cette présentation propose une réflexion herméneutique sur les enjeux éthiques de l’interprétation biblique par l’histoire de l’interprétation de certains passages de l’Évangile selon Matthieu.

Depuis les pères de l’Église, les commentaires des interprètes professionnels des textes bibliques sont souvent porteurs de violence implicite. Nous explorerons deux éléments significatifs de l’Évangile selon Matthieu. Le premier permettra une réflexion sur la violence de l’exégèse qui n’est pas consciente des enjeux interprétatifs reliés au sexe et au genre. Le deuxième sera l’occasion d’une prise de conscience de la violence des interprétations reliées à l’ethnicité et à la religion.

La présence des femmes dans la généalogie (Mt 1,2-16) a généré des commentaires présentant ces femmes comme des exemples de péché relié à la sexualité féminine illicite. Si ce type de commentaires pouvant être qualifiés de misogynes est abondant chez les Pères de l’Église[1], il est aussi présent de façon plus subtile chez certains interprètes contemporains[2].

La traduction de Ἰουδαῖοι, le chapitre 23 contre les pharisiens et le fameux « Nous prenons son sang sur nous et sur nos enfants ! » (Mt 25,27) ont donné lieu à des interprétations antijuives qui ont été utilisées pour justifier des actes violents[3]. Une plus grande conscience de l’inscription de Mt dans le judaïsme au premier siècle permet de recadrer cette dérive[4].

Dans les deux cas, nous présenterons l’histoire de l’interprétation pour déceler les façons dont l’exégèse peut être vectrice de violence. Notre réflexion sera nourrie par l’ideological criticism[5], la critique féministe ainsi que les études postcoloniales. Ces approches permettent de dégager l’importance des présupposés des interprètes ainsi que celle des conséquences éthiques des interprétations exégétiques.

 

[1] Notamment Origène, Jérôme, Jean Chrysostome et Sévère d’Antioche.

[2][2] Par exemple : Ethelbert Stauffer, « Jeschu Ben Mirjam », dans Neotestamentica et Semitica : Studies in Honour of Matthew Black, Edinburgh, T&T Clark, 1969, p. 123-125; Marshall D. Johnson, The Purpose of the Biblical Genealogies with Special Reference to the Setting of the Genealogies of Jesus, New York, Cambridge University Press, 1969, p. 152-178; Barclay Newman, « Matthew 1.1–18: Some Comments and a Suggested Restructuring », Bible Translator 27 (1976), p. 209-212; J. P. Heil, « The Narrative Role of the Women in Matthew’s Gospel », Biblica 72/4 (1991), p. 544-545, Leon Morris, The Gospel According to Matthew, Grand Rapids, Eerdmans, 1992, p. 23; D. A. Carson, Matthew, Grand Rapids, MI, Zondervan, 1995, p. 66.

[3] Voir : Ulrich Luz, « Le Problème Historique et Théologique de l’antijudaïsme Dans l’évangile de Matthieu », dans Le Déchirement: Juifs et Chrétiens Au Premier Siècle, 1996, p. 127-150; Daniel Marguerat, « Quand Jésus fait le procès des juifs: Matthieu 23 et l’antijudaïsme », dans Procès de Jésus, Procès Des Juifs: Éclairage Biblique et Historique ; 1998, p. 101-125; Richard Groves « "His blood be on us”: Matthew 27:15-26 » dans Review & Expositor 103/1 (2006), p. 223-230; Amy-Jill Levine, « Matthew and anti-Judaism », Currents in Theology and Mission34/6 (2007) p. 409–416; John Nolland, « The Gospel of Matthew and anti-Semitism » dans Built upon the Rock: Studies in the Gospel of Matthew, 2008, p. 154-169;  John Kampen, « The Gospel of Matthew and the Challenge of Antisemitism », The Mennonite Quarterly Review, 92/4 (2018), p 548-570.

[4] Par exemple: Anthony Saldarini, « Reading Matthew without Anti-Semitism», dans The Gospel of Matthew in Current Study: Studies in Memory of William G. Thompson, S.J, 2001, p.166-184, Aaron Gale, Redefining Ancient Boundaries: The Jewish Scribal Framework of Matthew’s Gospel, New York, T&T Clark, 2005; Anders Runesson, « Rethinking Early Jewish-Christian Relations: Matthean Community History as Pharisaic Intragroup Conflict », Journal of Biblical Literature 127/1 (2008), p. 95-132; François Viljoen, « The Matthean Community within a Jewish Religious Society », Hervormde Teologiese Studies72/4 (2016), p. 1-8.

[5] Tina Pippin (dir.), Ideological Criticism of Biblical Texts, Semeia 59, 1992; Tina Pippin, « Ideology, Ideological Criticism, and the Bible », Currents in Research 4 (1996), p. 51-78; Gale A. Yee, « Ideological Criticism: Judges 17-21 and the Dismembered Body », dans Judges and Method: New Approaches in Biblical Studies, 1995, p. 146-170; Ming Him Ko, « How Might the Task of Theological Interpretation of Scripture Be Formulated and Practiced in the Face of Ideological Criticism? », CGST Journal 54 (2013), p. 55-72; Randall Bailey, « Teaching Exegesis Using New Literary and Ideological Criticisms », Teaching Theology & Religion 17/2 (2014), p. 150-154.

Arrête la violence de genre.
Date
Heure
10h30-11h30 (QC)
Lieu
ACFEB, Metz et zoom