Ponce Pilate

La vérité sur Ponce Pilate

La vérité sur Ponce Pilate
« Qu’est-ce que la vérité? », demande Pilate à Jésus. Ultimement, la vérité au sujet de Pilate nous échappe. © Le peuple de la paix


J’ai été marqué par la lecture d’un roman de suspense à saveur historique d’Éric-Emmanuel Schmitt intitulé l’Évangile selon Pilate. Les lecteurs d’aujourd’hui peuvent facilement s’identifier au personnage de Ponce Pilate alors qu'il tente de comprendre qui est ce Jésus qui a été crucifié et dont le corps a été enlevé. Il se met en quête, et nous avec lui. 

Sa manière pleine de bon sens et de réalisme de vouloir percer le mystère de la disparition du corps de Jésus rend même le personnage sympathique. L’absence de certitudes de Pilate rejoint une perspective contemporaine d’une foi qui s’épanouit, non pas malgré le doute, mais bien grâce à lui. Par ses échanges avec les témoins de Jésus, Pilate découvrira la richesse du doute qui va jusqu’à ouvrir ses yeux vers de nouveaux horizons. Le regard de Schmitt sur Pilate en fait l’un des personnages les plus humains des évangiles, en raison de son doute sincère.

Après cette façon contemporaine de présenter Pilate, regardons celles des témoins de cette époque : Flavius Josèphe, Philon d’Alexandrie, les évangiles et les pères de l'Église. 

Pilate, le tyran

Flavius Josèphe est un historiographe juif qui écrit l’histoire de son peuple pour les Romains, au premier siècle après Jésus-Christ. Il décrit Pilate comme un officiel implacable, insensible et cruel. Dès son arrivée en Judée, celui-ci provoque les Juifs de Jérusalem en ordonnant aux soldats de parader avec des bannières à l’effigie de l’empereur. Une révolte populaire s’organise lorsque Pilate utilise l’argent du Temple pour rénover l’aqueduc de la ville. Sa réponse à la protestation est claire : même si les manifestants ne sont pas armés, Pilate ordonne aux soldats de les massacrer. Après dix ans au pouvoir, il se fait limoger et comparaît devant Rome pour expliquer sa gestion désastreuse et cruelle. 

Un contemporain de Jésus, le philosophe juif Philon, cite une lettre du roi juif Agrippa à l’empereur Caligula. On y décrit Pilate comme une personne bornée, colérique et vindicative. Sa façon de gouverner est marquée par la corruption, le vol et des actes gratuits de cruauté. Il est à l’origine de massacres et d’exécutions sans procès. 

Pilate, le juste 

Les témoignages de Josèphe et de Philon ne concordent pas avec ceux des évangiles qui transmettent un portrait très différent de Ponce Pilate. Dans le Nouveau Testament, il apparaît comme un homme honnête puisqu’il comprend que Jésus est innocent des accusations qu’on lui attribue. Il emploie plusieurs stratégies pour éviter de l’exécuter. Il essaie de le transférer à Hérode Antipas. Puis, il suggère de libérer Jésus comme privilège pascal, en proposant à la foule de choisir entre lui et Barrabas, un meurtrier. La foule choisit de faire libérer Barabbas et d’exécuter Jésus. Pilate accepte alors de le faire crucifier après s’être lavé les mains symboliquement pour signifier qu’il ne porte pas la responsabilité de ce jugement.

Saint Pilate

Les pères de l’Église vont continuer à embellir le souvenir de Pilate. Tertullien est un théologien vivant à Carthage, en Tunisie, au 2e siècle. Il était convaincu que Pilate était secrètement un chrétien dès le temps du procès de Jésus. Tandis qu'Eusèbe, évêque de Césarée au 4e siècle, propage la rumeur selon laquelle Pilate aurait informé l’empereur romain Tibère de la résurrection de Jésus. Ce mouvement atteint son paroxysme lorsque l’Église copte et l’Église orthodoxe éthiopienne décident de canoniser Pilate et de le vénérer comme un saint!

L'insaisissable Pilate

On voit bien que les différentes façons de présenter Ponce Pilate sont irréconciliables. Est-ce qu’il était un tyran cruel ou un saint? Comment réconcilier ce que nous transmettent les évangiles avec les témoignages de Josèphe et Philon? Dans l’Évangile de Jean, Pilate pose une question à Jésus qu’on pourrait à notre tour poser au sujet de Pilate : « Qu’est-ce que la vérité? » (Jn 18,38). Ultimement, la vérité au sujet de Pilate nous échappe. Était-il un saint, un tyran ou un chercheur de vérité? 

Pour ma part, je vois Pilate comme le représentant du pouvoir impérial romain. De concert avec les leaders religieux de Jérusalem, il s’arrange pour éliminer celui qui remet en question les structures politiques, sociales et religieuses. Avec l’exécution de Jésus, le pouvoir impérial semble absolu. Pourtant, il n’a pas le dernier mot. Dieu ressuscite Jésus et montre que l’Empire n’est pas l’autorité suprême. La fin de l’Évangile de Matthieu (ch. 28) montre le Christ ressuscité envoyant ses disciples dans le monde entier. Au final, l’Empire romain représenté par Pilate ne peut pas tenir, même avec son pouvoir politique et militaire, devant le royaume de Dieu qui se construit. 

Ponce Pilate en bref
Quel est le vrai nom de Ponce Pilate?  

Ponce (Pontius) est son nom de famille. Pilate (Pilatus) est un surnom évoquant le mot « javelot ». Son prénom est inconnu.


Quelle était sa fonction? 

Comme gouverneur de la Judée, son titre aurait été « préfet ». 


Existe-t-il une preuve archéologique de son existence? 

 Oui, une inscription découverte dans les ruines du théâtre de Césarée Maritime indique : « Ponce Pilate, préfet de Judée ».

Combien de temps sera-t-il en poste? 

 De 26 à 36 ap. J.C.


Sébastien Doane

Première parution : Revue Notre-Dame du Cap