Appels de propositions ACEBAC/SCT: le visage

Appel à propositions

LE VISAGE, DE L’ICÔNE AU SELFIE:
EXPLORATIONS EXÉGÉTIQUES ET THÉOLOGIQUES AUTOUR D’UN IMPENSÉ

Pour voir l'appel de propositions: /sites/exegese-biblique.ftsr.ulaval.ca/files/uploads/Congres%20ACEBAC-SCT%202023%20-%20Le%20Visage.pdf

En voici un extrait:

Le congrès conjoint de l’ACEBAC et de la SCT de 2023 lance un défi, celui d’une exploration sur le thème du visage. Il est de ces parties du corps qui impliquent bien davantage que leur réalité matérielle. Dès qu’on le considère dans sa portée symbolique, éthique, politique ou culturelle, le visage révèle non seulement une richesse d’approches possibles mais aussi l’étendue des processus sociaux qui passent par lui, tout comme la possibilité de la relation et son exigence.
Le visage est compris ici non seulement comme la « partie antérieure de la tête de l’homme » (Petit Robert) mais comme la surface de corps et de chair par laquelle chacun-e accède à une individualité première et entre en relation avec le monde. En ce sens, il est vecteur constant de relations et interpellation éthique (Lévinas). De manière synecdotique, le visage et les rapports au(x) visage(s) traversent les cultures, les sociétés, les spiritualités et les textes fondateurs eux-mêmes. C’est à travers le visage que la personne se présente au monde et communique avec l’autre, dans le face-à-face. C’est aussi à travers lui que passent des assignations d’identités et de positions sociales, assumées ou imposées.

Loin de la culture de l'égoportrait, le texte biblique se réfère très souvent au visage (פָּ נִ֖ים / πρόσωπον) dès qu'il est question de l'autre. À commencer par celui de Dieu, dont les « coeurs droits contempleront [l]a face » (Ps 11,7) et « les serviteurs verront la face » (Ap 22,4). Outre cette promesse eschatologique, le lecteur ne doit-il pas s’étonner d’un Dieu qui tantôt « découvre sa face » (Nb 6,25), tantôt « cache sa face » (Is 45,15), mais qui invite aussi à « chercher sa face » (Ps 27,8) ? Et que penser de cette volte-face avec Moïse lorsque, après lui avoir parlé « face à face » (Ex 33,11), Dieu lui interdit de voir son visage, « car l'homme ne peut [l]e voir et vivre » (Ex 33,20) ? Dans les rapports entre les humains et Dieu, le visage est donc un point de rencontre crucial, et cet aspect traverse aussi toutes les Écritures quand il s’agit de la relation plus horizontale entre les humains. « Nous nous sommes sentis extrêmement pressés de revoir votre visage », certifie Paul aux Thessaloniciens (1 Th 2,17). Plus généralement, le visage permet – ou non – d’accéder à l’identité de l’autre, comme Joseph qui « reconnut ses frères, mais eux ne le reconnurent pas » (Gn 42,8) ; mais c’est surtout un moyen d’accéder aux émotions, aux sentiments, à une certaine vérité de l’être. Cette vérité peut alors être authentique, comme la joie d’Anna, dont « le visage ne fut plus le même » (1 S 1,18), ou bien trompeuse, et nombre de textes associent visage à apparence, voire hypocrisie, comme ces gens qui exhibent leur jeûne avec « une mine triste » (Mt 6,16-17).
Qu’il émette des signaux émotionnels, intentionnels, ou relationnels, le visage est omniprésent, bien plus d’ailleurs que ne le laissent voir les traductions qui ne rendent pas toujours par visage (ou face, mine, tête) le mot hébreu ou grec1. En revanche, les textes n’hésitent pas à focaliser sur un élément particulier du visage : la bouche, voire les lèvres, comme le psalmiste qui demande à Yahvé de veiller « sur la porte de [s]es lèvres » (Ps 141,3)2 ; les yeux, avec parfois un jeu de regard intense, comme la scène entre l’infirme, Pierre et Jean : « Il tenait son regard attaché sur eux » (Ac 3,4-5)3 ; les oreilles, dans lesquelles il faut « se mettre les paroles » (Lc 9,44) ; sans oublier les cheveux et même la barbe, que se fait arracher le prophète par ceux à qui il « tend ses joues » (Is 50,6). Le visage est donc aussi très présent de manière métonymique et l’on comprend tout l’intérêt que cela peut avoir dans l’expression de l’intériorité. Mais qu’en est-il de l’extériorité même de tous ces visages ? A quoi ressemblent-ils ?

A force de mentionner l’omniprésence sémantique du visage et de ses parties, la question de la description s’impose : le texte biblique parvient-il à dessiner des (por)traits ? Si oui, quel genre de (por)traits ? Si non, que faire avec toutes ces facettes qui morcellent le visage ? Et que conclure quand rien n'est dit du visage, alors même qu’un nouveau personnage se présente ? Il serait intéressant de s’interroger sur les mécanismes – narratifs, intertextuels, stylistiques, rhétoriques – qui laissent aux lecteurs le champ libre pour se figurer, presque littéralement, les personnages mis en scène. Et parfois, c’est le visage humain qui sert de référence pour mieux décrire un animal, comme les sauterelles de l’Apocalypse : « Elles avaient sur la tête comme des couronnes d’or, et leur face ressemblait à un visage humain » (Ap 9,7)4. Les êtres parfois si étr-anges qui parcourent le dernier livre de la Bible sont décrits en référence au visage humain, alors même que les visages humains des autres textes bibliques sont si peu décrits. Avoir un visage aurait-il un sens biblique particulier ? Tous les livres bibliques sont-ils comparables sur ce point ? Quelles sont les stratégies des textes quand ils font mention du visage et de ses parties ? Que doit voir le lecteur ? Que doit-il y voir ? Comment analyser ce paradoxe d’un visage aussi souvent évoqué, et aussi peu décrit ? De telles questions se justifient encore plus lorsque mention du visage est faite pour son absence. Comment interpréter cette absence ou disparition spécifiquement mentionnée du visage, soit qu’un homme le cache, comme David en deuil (2 S 19,5), soit que Dieu cache le sien5 ?
Le thème du visage se décline donc selon deux modalités : il y a le visage de la présence (ou présence du visage) et tout ce qu’il permet d’exprimer ; et il y a le visage de l’absence (ou absence de visage), et tout ce que cette absence doit aussi signifier. Sans oublier une forme particulière du visage de la présence : le visage transfiguré. Il s’agit d’une spécificité qui fait toute la force théologique et parfois poétique de certains textes, comme celui où le visage de Moïse « rayonne » lorsqu’il redescend du Sinaï (Ex 34,29-35), ou celui où le visage de Jésus « resplendit comme le soleil » (Mt 17,2)6. Il y aurait sans doute beaucoup à dire sur le lien entre visage et lumière. Au fond, le thème du visage est peut-être la meilleure interface pour lire dans les textes bibliques la rencontre entre l’humain et le divin, rencontre qui a ses limites, certes, mais rencontre possible.

POUR SOUMETTRE UNE PROPOSITION :
Veuillez acheminer votre proposition à joseph.e.brito@gmail.com, d’ici le 30 novembre 2022.
Votre proposition doit comporter votre nom, votre titre et votre affiliation institutionnelle le cas échéant. La proposition doit faire de 250 à 500 mots.

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